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Dame Belgique

Depuis 1830 et même auparavant, la Belgique est régulièrement représentée sous les traits d’une belle jeune femme richement vêtue. Le lion Belgique accompagne d’ailleurs souvent celle-ci. Depuis le XVIe siècle, des « nymphes belgiques » ou des personnifications de la Belgique sont répandues sur divers objets, dessins, tableaux ou monuments. Il n’est dès lors pas étonnant que les caricaturistes reprennent cette image du pays.

Caricature de "Dame Belgique"

La représentation allégorique de la Belgique a plusieurs rôles au fil du temps. A partir de 1848, l’allégorie, d’abord représentée seule, a davantage le rôle de victime ou de justicier. Ceux-ci vont évoluer et voir l’apparition de deux nouvelles fonctions à partir de 1870 : celle de « spectateur/témoin » et celle de « traîtresse ». C’est également à partir de cette date que la « Dame Belgique » est accompagnée du lion Belgique. Au départ drapée à l’antique, son habillement évolue vers des tenues plus proches de l’époque. Ainsi, la robe de l’allégorie est de plus en plus souvent décolletée. Un phénomène de désacralisation s’opère. La couronne est également un attribut important de l’allégorie Belgique. Symbole de dignité et de pouvoir, elle est l’emblème de l’Etat supérieur à tout. Le mot « Belgique » est généralement présent sur la couronne (ou sur la robe). Il peut être écrit en français, en latin ou en néerlandais.

Caricature de "Dame Belgique"

Les caricaturistes de la deuxième moitié de XXe siècle adaptent l’allégorie Belgique au contexte de leur époque. En effet, les deux caricatures du corpus représentant la « Dame Belgique » font référence à deux fonctions décrites précédemment : la justicière et la spectatrice.

 

Premièrement, la « Belgique justicière » se voit désormais ridiculisée. Elle n’est plus reproduite en train de remettre de l’ordre et de châtier les coupables, mais comme une femme dépassée par les événements et qui n’arrive pas à venir à bout des conflits. De plus, le lion Belgique qui l’accompagne est de plus en plus souvent représenté sous la forme d’un petit caniche noir.

 

Ainsi, la caricature ci-contre montre une dame corpulente en mère au foyer qui n’en peut plus des chamailleries de ses deux enfants. Cette femme est la personnification de la Belgique. Sa couronne, sur laquelle est inscrite en latin « Belgica », insiste sur l’aspect archaïque de l’Etat unitaire belge. Le petit caniche noir (lion Belgique) est renversé et agonise sur le sol. Le portait au mur est celui de Baudouin, roi des Belges, un autre symbole de la nation, qui ne semble pas avoir fière allure en voyant cette dispute. Les deux garnements, un garçon et une fille sont en réalité Léon Defosset (à gauche, FDF) et Paul-Henri Gendebien (à droite, RW). Sur la culotte de cuir de Léon Defosset, il y a l’inscription « ça jamais » qui renvoie à son appartenance à Bruxelles et plus encore au FDF. Paul-Henri Gendebien tient un coq en main qui personnifie la Wallonie. La dispute illustre le débat entre régionaliste et communautariste et les tensions fratricides entre Bruxellois et Wallons. 

 

Caricature de "Dame Belgique"

Deuxièmement, la fonction « spectateur/témoin » de l’allégorie de la Belgique n’a pas tellement changé depuis 1870. La « Dame Belgique » est toujours témoin d’un événement ou d’un fait et a un rôle passif au sein de la scène, mais elle est représentée plus négativement qu’auparavant.

 

A titre d’exemple, cette deuxième caricature du Pan du 13 décembre 1978 montre une maison de prostituée (reconnaissable grâce à la photo sur le mur et à la prostituée). La Belgique est représentée en mère maquerelle. Le fait de présenter la personnification de la Belgique sous les traits d’une vieille dame laide a une signification péjorative forte. André Lagasse joue le rôle de la prostituée. Cette dernière est proposée à un client par la Belgique. La légende nous indique que la prostituée porte le surnom de « Dédée-la-Vache ». Cela peut indiquer qu’Andrée Lagasse fait opposition au gouvernement de 1978. L’allégorie de la Belgique a le rôle de spectateur car elle essaye de passer le problème à un client et ne fait rien pour arranger la situation.

 

 

Caricature d'Alidor parue dans Pan n° 1689 du 11 mai 1977

Caricature d'Alidor parue dans Pan n° 1772 du 13 décembre 1978

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