
Femmes politiques
Contexte
L’émergence de la femme politique belge dans la caricature se fait très tardivement par rapport à son homologue masculin. Ce phénomène est dû à plusieurs facteurs. En effet, il convient de comprendre comment la femme était caricaturée avant qu’elle n’entre en politique et l’apparition de celle-ci dans la politique belge.
Avant 1914, la femme est caricaturée de deux manières : soit idéalisée, soit critiquée. Dans le premier cas, c’est une femme au foyer dévouée à sa famille, elle est encrée dans l’image que la société lui donne. Ainsi, la femme est davantage un idéal de dévouement. Dans le second cas, un certain nombre de reproches lui sont adressés : elle exerce un pouvoir sur son mari, elle ne respecte pas le rôle « naturel » de la femme et « ose » pénétrer dans la vie publique. La source de la future émancipation est à trouver dans la femme populaire, la domestique ou la mère de famille. Au fur et à mesure du temps, les femmes arrivent à prendre de plus en plus de place dans la sphère publique. En effet, pendant l’entre-deux-guerres, elle prend davantage de place dans le couple. C’est également à cette période que la femme critiquée apparait fréquemment dans les caricatures. Elle peut être représentée comme hystérique quand elle prend la place d’un homme ou comme une prostituée quand elle manipule un homme avec ses charmes. En observant les caricatures à travers le temps, on peut facilement se rendre compte d’une lente émergence de la femme.
La femme entre très tardivement dans la politique en Belgique. En effet, en 1920, elle devient éligible à la Chambre et au Sénat alors qu’elle n’obtient le droit de vote qu’aux élections communales cette même-année. C’est alors que Marie-Anne Spaak-Janson (1873-1960) devient la première femme parlementaire (POB) et prête serment de sénatrice le 27 décembre 1921. Il s’agit de la grand-mère paternelle d’Antoinette Spaak. Il faut attendre 1948 pour que la femme puisse voter aux élections législatives et provinciales. Malgré cela, aucun gouvernement ne comptera de femmes avant 1965.
Les élections de 1965 provoquent une rupture dans la vie politique belge. Ainsi, des partis à vocation linguistique et/ou fédéraliste voient le jour. C’est le cas du FDF qui est créé en 1964. Ce parti est favorable à l’émergence de la femme en politique.
Les années 1970 représentent un tournant dans l’apparition des femmes en politique. Un certain nombre de revendications pour la liberté et l’égalité entre les sexes apparaissent. De plus, le « déficit démocratique » féminin inquiète l’opinion publique.
En ce qui concerne le FDF, l’association des femmes FDF accomplit une série d’actions qui visent à renforcer la présence féminine au sein du parti mais aussi dans la vie politique en général. Cet objectif est rempli notamment par le biais de tracts. C’est ainsi qu’en 1977, le FDF choisit Antoinette Spaak comme présidente de parti, poste qu’elle occupera jusqu’en 1982. Il s’agit en réalité de la deuxième femme présidente de parti. En effet, durant la Seconde Guerre Mondial, le parti libéral est présidé dans la clandestinité par Jane Brigode.
En 1979, Antoinette Spaak participe aux premières élections européennes et fait partie des deux seules femmes élues directement avec Anne-Marie Lizin (PSB). Avec ces premières élections, les institutions européennes essayent elles aussi de contribuer à l’émergence des femmes en politique et de lutter contre les inégalités hommes-femmes.
La femme politique dans la caricature
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Dans le corpus, l’unique femme politique représentée est Antoinette Spaak. Celle-ci apparait pour la première fois dans une caricature l’année où elle prend la présidence du FDF. D’abord, les caricaturistes la représentent discrètement au milieu d’autres hommes politiques. Ensuite, Antoinette Spaak apparait de plus en plus à l’avant plan ou seule sur les caricatures. Dans le corpus des quatre journaux, elle se trouve dans 120 caricatures sur une période d’un peu plus de onze ans (la dernière date du 23 mars 1988). Madame Spaak est représentée de diverses manières, aussi bien positivement que négativement. Elle peut être portée en héros, « victimisée », ridiculisée ou encore diabolisée.
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Ainsi, la caricature du Pan du 16 mars 1977 (Caricature 1 dans la galerie d'images) présente Antoinette Spaak au milieu d’hommes de son parti. Ceux-ci sont, de gauche à droite : François Persoons, Lucien Outers, Léon Defosset, (Pierre Havelange ?) et André Lagasse. La caricature représente une scène de fuite par les égouts. Les personnages sont en costume de « résistants armés ». Diverses inscriptions sont présentes sur le mur, il y a notamment « ça jamais » qui montre l’appartenance au FDF. Elles laissent supposer une opposition du FDF face au gouvernement Tindemans. Par cette caricature, les membres du FDF sont ridiculisés et Antoinette Spaak qui se trouve parmi eux ne fait pas exception.
La caricature du ‘t Pallieterke du 21 juin 1979 présente Antoinette seule. Le dessin de presse porte une légende : « F.D.F. komt belabberd uit Europese stembus. », c’est-à-dire « Le F.D.F. sort de manière minable du scrutin européen. ». Le paysage est celui d’un trottoir bordé par une palissade. Au dessus de celle-ci, au centre, se trouve un symbole : un « E » en forme de demi-cercle duquel s’échappe une colombe. La palissade est garnie d’une affiche du Front Des Francophones. Un « Af » a été rajouté devant « Front » ce qui donne « Affront Des Francophones ». Devant cette affiche, le long de la palissade, une femme (Antoinette Spaak) pleure.
Le symbole au dessus de l’affiche est celui du PPE lors des élections européennes de 1979. Ce logo s’accompagnait du slogan « L’Europe prend un nouvel envol ». La modification faite sur l’affiche laisse supposer qu’Antoinette Spaak subit un affront. De plus, celle-ci est représentée en train de pleurer. De par sa position, on peut considérer qu’Antoinette Spaak est « au pied du mur ». Cela est peut-être dû à une désillusion ou à un désenchantement. Elle est en position de faiblesse.
La posture du FDF, et ici d’Antoinette Spaak, est assez ambigüe. En effet, le personnage de la caricature pleure, on peut considérer qu’elle est représentée en tant que victime. Toutefois, si le ‘t Pallieterke représente une présidente de parti en train de pleurer, on peut envisager que le journal se moque, ridiculise Antoinette Spaak et le FDF.
La caricature est créée à l’occasion des premières élections européennes qui se sont déroulées en Belgique le 10 juin 1979. Celles-ci se déroulaient suivant le principe du suffrage direct. Antoinette Spaak se présente aux élections avec les autonomistes wallons de la coalition FDF-Rassemblement Wallon qui obtiennent deux sièges avec 19,7 % des voix. La présidente de parti obtient un siège au Parlement européen. Ce qui est curieux, c’est qu’Antoinette Spaak est représentée en position de faiblesse, elle est triste, alors qu’elle vient d’obtenir un siège. L’explication est peut-être qu’aux élections législatives de 1978, le FDF avait encore onze sièges au parlement national, nombre maximum que le parti n’ait jamais eu (même si le cartel avec le RW a été plus haut en 1974). Le FDF espérait sans doute, avec une élection bénéficiant d’une circonscription francophone unique, qu’il cartonnerait davantage. Néanmoins, en dépit de son score honorable (le sixième tous partis confondus avec plus de 400 000 voix), le cartel se retrouve finalement avec deux sièges seulement alors que le PSC qui n’a que 30 000 voix de plus obtient trois sièges. Le logo du PPE au dessus de l’affiche prend alors tout son sens. Pour ‘t Pallieterke, le FDF/RW visait certainement trois sièges et serait déçu de n’en avoir que deux, et même un seul pour le FDF lui-même.
Le Pourquoi pas ?, dans son numéro 3219 de l’année 1980, publie une caricature d’Antoinette Spaak. Cette dernière est représentée seule en costume typiquement français. Elle porte un béret, tient une baguette dans une main et un panier avec du vin et un journal dans l’autre. La caricature est accompagnée d’un article écrit à partir d’un « sondage » sur le fait d’être francophone. Il s’agit en réalité d’un panorama sur différentes citations d’Antoinette Spaak. F. Carin se moque de la présidente de parti : en la représentant de la sorte, il la ridiculise.